Le mot « Impetus » a pour étymologie latine im, le « dedans », et petere, qui signifie « chercher ». Le film serait donc une quête vers notre intériorité. Sur ce qui sommeille en nous, profondément, sur nos émotions intimes, voire invisibles. Pour un art du visible comme le cinéma, filmer ce qu’on ne voit pas frôle le paradoxe. Mais l’impetus, c’est aussi l’élan, l’impulsion. L’impetus comme moment de transformation entre une intériorité bouillante, féconde et le temps du mouvement, de la création.

C’est cet entre-deux, ce pont ténu qui amène à l’après, qui provoque ce moment entre l’immobilité vivante - comme terrain fertile - et l’agissement, la mise en marche. Pour rendre compte de cet état, de ce questionnement sur « ce qui vient », la réalisatrice Jennifer Alleyn procède à l’hybridation entre cinéma-vérité et fiction. Armée de sa caméra-stylo, la réalisatrice exprime avoir trouvé le film « en le faisant ».

Le cinéma-vérité ou « cinéma direct » est un genre documentaire qui naît vers la fin des années 50 et le début des années 60 au Québec et en France, presque simultanément. Il apparaît dans le contexte cinématographique spécifique de la Nouvelle Vague dont la notion de caméra-stylo est issue. Ce nouveau genre est rendu possible grâce à l’invention de nouvelles technologies. Les caméras se font plus légères et peuvent se porter à l’épaule. Le magnétophone synchrone permet de son côté une prise de son directe et simultanée avec l’image.

Ces nouvelles techniques agissent en rupture avec la manière traditionnelle de faire des documentaires : caméras lourdes et peu mobiles, matériels sonores et éclairages imposants, post-synchronisation des dialogues, etc. Ce véritable poids imposait une préparation et une écriture en amont du tournage.

Les nouveaux cinéastes du cinéma direct vont au contraire rechercher une spontanéité, une proximité entre le filmé, le filmeur et le spectateur. Moins préparé, moins détaillé, le documentaire devient un éternel work in progress sujet aux imprévus de tournage et à une non-artificialité désirée. Plus de trépieds, de claps, de studios ou de grosses équipes de tournage; place à la lumière naturelle, à l’immédiateté, à une « vérité » plus spontanée pour laquelle on ne sait rien avant d’avoir tourné.

Mais cette vérité n’en reste pas moins une vérité subjective. Si on ne cherche pas à embellir ni à imposer un discours aux filmés, il n’en reste pas moins des personnages. C’est donc un point de vue d’auteur. C’est ici qu’intervient la notion de caméra-stylo.

La caméra-stylo est une notion d’Alexandre Astruc qu’il définit pour la première fois le 30 mars 1948 dans la revue L’écran français. Revendiquant la position d’auteur chez le cinéaste et la création d’un nouveau langage, pour Astruc, le scénariste doit faire lui-même son film. La caméra devenant stylo, le stylo devenant caméra. Dans Impetus, cette caméra-stylo couplée au cinéma-vérité est autant la recherche du film que l’écriture du film lui-même. Les passages caméra à l’épaule avec Jorn le guitariste sont témoins de ce processus de mise en mouvement autant que du mouvement lui-même : elle filme en espérant trouver le film. Impetus apparaît alors comme une tournure d’interférences. Le film n’est « ni l’enregistrement d’événements extérieurs tout faits, ni la mise en scène de personnages dans un scénario, il poursuit une voie ouverte par le cinéma-vérité : il filme l’interférence du tournage et de la réalité (des situations, des acteurs) dans laquelle il s’inscrit et qu’il transforme. Le film devient une entremise et une mise en jeu plutôt qu’une mise en scène. Partant, son dispositif comprend aussi la possibilité de transformer la réalité du spectateur dans laquelle il prend pied, en visant une continuité entre monde filmé et monde commun aux acteurs, au filmeur et spectateur » (François Niney). Un des filmés, Jorn, reprend ainsi la guitare et compose un album à la suite des entrevues avec Jennifer Alleyn : il trouve lui aussi son impetus.

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