Résumé
Située à 250 kilomètres de Shanghaï, la ville chinoise de Yiwu est la ville du made in China par excellence; la ville qui fabrique une grande partie des produits vendus à bas prix à travers le monde. Parmi les quelques 100 000 boutiques, Yiwu compte 600 usines rien que d’articles de Noël et pourtant, on apprendra dans ce film, que ce ne serait même pas encore assez pour satisfaire la demande occidentale. Des centaines d’employés y travaillent dans des conditions souvent pénibles et dans les vapeurs de produits chimiques. Tous migrants dans leur propre pays, ils viennent des quatre coins de la Chine. Ce film nous plonge dans la vie quotidienne de ces « travailleurs et travailleuses de Noël ». Un film qui raconte la mondialisation telle qu’elle est.
L'avis de Tënk
Au bureau, on m'appelle le grincheux. Cette année, j'ai enfin trouvé un film qui parle de mon angoisse et de mon aliénation de la saison, apparemment inexplicables, dans des tons résonnants : Mladen Kovačević a élaboré un hommage sensible et sensoriel aux travailleurs et travailleuses de Yiwu, une ville côtière chinoise où se trouve la plus grande concentration d'usines au monde produisant des décorations de Noël pour l'exportation. Dans la chaleur de l'été au sud de Shanghai, dans une ville de près de 3 millions d'habitant.e.s, largement peuplée de travailleurs et travailleuses migrant.e.s venu.e.s de partout en Chine, de vrais lutins humains viennent faire scintiller des paillettes multicolores sur les sols des usines et coller des milliers de pompons sur les bonnets du père Noël pendant toute la journée afin de créer de la « magie » pour un monde occidental qui leur reste invisible.
Kovačević prête une oreille attentive pour que nous puissions être témoins des chansons que les ouvriers et ouvrières chantent pendant leur travail, partager leur ennui jusqu'à la pointe de frustration qui émerge pendant qu'elles et ils emballent des boules sans fin dans du cellophane, pour que nous puissions entrer dans l'intimité des moments où ils et elles boivent leurs désespoirs et philosophent ensemble au sujet de l'amour manqué, du désir de connexion, de l'isolement loin de leur famille, de la signification d’un chez-soi et de l'appartenance, de la valeur du travail. Cette histoire pleine d'esprit, pétillante et tendre, révèle clairement les fondements du marketing pseudo-spirituel du temps des fêtes, plus que le ferait n'importe quelle analyse approfondie du concept de travail à la chaîne. Grâce à des images qui partagent un monde de merveilles étendues, liées à des émotions et des histoires humaines réelles, Merry Christmas, Yiwu brille fort. C'est l'antidote à tout Noël de grincheux.
Aurora Prelević
Écrivaine, créatrice de performances, cinéphile