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180 min
Roumanie, 2010

Production : ICON PRODUCTION
Roumain
Français

Portrait



Résumé


Entre documentaire et reconstitution, ce film retrace les vingt-cinq années de règne du dictateur roumain Nicolae Ceausescu. Un travail de montage remarquable, réalisé à partir des images officielles.

L'avis de Tënk


Rarement le mot « tacite » aura eu une telle résonnance dans le cinéma documentaire. Le spectateur se trouve totalement immergé dans les archives nationales de l’interminable ère Ceaușescu, sans aucun commentaire ni explication qui puisse le guider (pour ça, il y aura toujours Wikipédia).

Tout est là, pourtant, sous-entendu dans la démesure de la mise en scène communiste; dans la tension des visages longs et des sourires morts; dans le faste outrancier des anniversaires du dictateur, etc. De fait, le cinéaste mise avant tout sur l’émotion qui se dégage de la dramaturgie qu’il installe brillamment par le montage des séquences (et le remontage des documents mêmes) et par la conception sonore, avec la collaboration de la grande Dana Bunescu.

Ainsi, même sans connaître toute l’Histoire, peut-on pleinement ressentir la funeste glissade de ce courageux champion de l’indépendance de son pays face à l’URSS vers un autoritarisme et un nationalisme immodérés qui trouveront leur inspiration dans la Révolution culturelle de Mao et dans l’idéologie du juche de Kim Il-sung. Attention, les images de l’accueil que ces deux tyrans réservèrent à Ceaușescu, avec des centaines de milliers de leurs « sujets » exécutant au quart de tour des chorégraphies sur des kilomètres, sont à vous en décrocher la mâchoire pour de bon.

Dans ce dernier volet de sa trilogie sur la fin du communisme européen, le cinéaste nous rappelle que, malgré la distance apparente qui nous sépare de cette époque, le totalitarisme sommeille toujours en quelque lieu, fût-il de gauche ou de droite. En cela, il fait sienne la pensée d’Albert Camus, à la toute fin de La peste.

« Écoutant, en effet, les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »
 

 

Richard Brouillette
Cinéaste, producteur, éleveur de poules et comptable

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