Résumé
À la suite d’une révolte populaire sans précédent, le Chili entreprend la rédaction d’une nouvelle Constitution. Une assemblée hétéroclite sera chargée de mettre par écrit les rêves de dignité et de justice sociale portés par le peuple chilien. Quels risques pourraient survenir?
L'avis de Tënk
Comment un mouvement social progressiste, enhardi par une colère explosive et déterminé à changer le système, peut-il finir par dégringoler? C’est cette chute abracadabrante qu’explorent Tamara Uribe et Felipe Morgado dans Oasis, un documentaire frappant sur les manifestations chiliennes de 2020, qui menèrent à la réécriture de la Constitution, et ultimement, à son rejet, deux ans plus tard.
La caméra voyage à travers les villes, témoin de la fureur des luttes antiracistes, féministes et indigènes, qui convergent dans un chaos impressionnant. Les voix indignées s’élèvent : contre les élites, qui ne cessent de minimiser les revendications sociales; contre la police, au service des puissants; et surtout, contre un gouvernement inactif devant la croissance des inégalités et la montée généralisée de la colère populaire. Face à la force du mouvement, les principaux partis plient, et lancent un projet d’envergure : la réécriture de la constitution chilienne, celle adoptée sous le régime de Pinochet.
Mais l’éclat de la victoire laisse rapidement place à la débandade. Les élans de solidarité qui ont marqué les manifestations peinent à s’immiscer au cœur de la nouvelle Assemblée constituante. Cahoteux, parfois absurde, le processus de réécriture tant espéré laisse émerger les failles d’un mouvement qui semble s’écrouler sous nos yeux. La succession de plans d’ensemble, couplée à un montage astucieux, montre le caractère loufoque d’un grand projet progressiste finalement tombé à l’eau, au grand dam de celles et ceux qui s’accrochaient depuis longtemps à la réalisation d’une vision d’égalité au sein du pays.
Fanny Tan
Chercheuse en résidence
Observatoire des conflits multidimensionnels
Chaire Raoul-Dandurand