Résumé
Le cinéaste s’est immergé pendant neuf mois dans le centre de détention administrative de Frambois à Genève, l’un des 28 centres d’expulsion pour sans papiers en Suisse. À Frambois se trouvent des requérants d’asile déboutés et des clandestins. Certains sont établis en Suisse depuis des années, ont fondé une famille, travaillent. Jusqu’au jour où les services d’immigration cantonaux décident arbitrairement de les jeter en prison pour garantir leur départ. Aucun détenu n’est disposé à quitter la Suisse volontairement. Commence alors un long acharnement administratif pour les forcer à partir.
L'avis de Tënk
Avec ce deuxième film autour des demandeurs d’asile en Suisse, Fernand Melgar nous plonge dans les méandres bureaucratiques du centre de détention Frambois, là d’où partent les vols dits «spéciaux», dernier recours étatique pour les expulser du pays. Si l’enfermement est assurément l’une des méthodes les plus efficaces de déshumanisation, les détenus cherchent eux à faire sens de ces arrestations traumatiques pour comprendre l’incompréhensible, avec ce qui leur reste comme recours : la parole et la réflexion. Leur impuissance contraste avec l’insolence des gardes, bercés par l’illusion d’une légitimité qui leur permet d’argumenter que ce retour sera sans danger et que «chez eux», c’est «là-bas». Des années passées dans un pays à travailler, fonder une famille, payer des impôts, rendent cette mise en marge d’autant plus douloureuse.
Avec un cinéma direct assumé, Melgar observe ainsi comment chaque petit détail joue sur le moral des détenus, renforçant leur humiliation et la peur du retour dans un pays devenu étranger, quitté pour mille raisons. En assistant aux rencontres quotidiennes de l’équipe en charge du centre, bien que foncièrement humaine et empathique, Melgar expose comment la langue administrative réduit le réel à un plan où l’on aménage le départ, et la place de chacun dans l'avion, comme on choisirait l’emplacement des légumes dans un potager. À l’heure où le monde est agité par de nouvelles crises politiques et sociales qui forcent des déplacements massifs de population, Vol spécial révèle l’insidieux d'un système, et nous rappelle que le concept de citoyenneté doit être profondément repensé aujourd’hui.
Le collectif de programmation des RIDM