Lauréat du Meilleur Documentaire parmi les courts métrages de la compétition officielle à REGARD en 2024, O Gün Bu Gündür, Uçuyorum (Depuis, je vole) a profondément marqué le comité de programmation, tout comme les membres du jury. À la fois percutant et empreint de sensibilité, le film interroge la transmission des traditions et de l’identité kurde dans un contexte de persécution. Il retrace le parcours d’un homme : de son enfance dans le cocon familial à ses premiers émois amoureux, mais aussi son arrestation et sa séquestration d’une incroyable violence par la police locale. C’est dans cette dichotomie que le film alterne entre des scènes d’une grande douceur, représentant des moments nostalgiques de liberté dans les vastes champs de coton, et d'autres évoquant son enfermement brutal dans une grotte sombre et exiguë, sous le joug de ses tyrans étatiques. Le film offre un regard incisif sur la torture et la déshumanisation de la communauté kurde, expropriée, persécutée et torturée en Turquie depuis des décennies. Grâce à la douceur de sa mise en scène et à ses images empreintes de poésie, il parvient à transmettre la peur et l’effroi ressentis par son protagoniste sans jamais recourir à des scènes explicites de violence. Sa puissance réside aussi dans l’espoir qu’il véhicule, illustrant la résistance de l’être humain face à l’oppression, à l’humiliation et à la souffrance. La berceuse envoûtante de Yom, dans la scène finale, nous laisse face à l’histoire et au passé, dans une douce résonance. La beauté de son esthétique transcende la dureté du sujet alors qu’une émotion persistante nous habite après avoir vu le film. 

Morgane Ferrero
Programmatrice au Festival REGARD