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50 jours
31 min
Québec, 2009

Production : Paysdenvie
Français
Anglais

Les films de David Nadeau-Bernatchez



Résumé


Débutant à la fin du XIXe siècle, l’histoire du baseball raconte la transformation des pâturages et des mentalités en Amérique du Nord. Lent et répétitif, le jeu fait une place de choix à la rêverie et au cabotinage. Ample et maniéré, il invoque l’étendue d’un continent nouveau en même temps qu’il rappelle ses origines britanniques. Tourné au stade Victoria à Québec et élaboré avec la complicité du chroniqueur sportif Jean Dion, Des temps morts divague pour mieux interroger l’état du baseball en Amérique française : ses particularités, ses règles, ses rites.

L'avis de Tënk


Réflexion quasi philosophique et politique sur le Temps à travers les coutumes, les règles et les jurisprudences du baseball, Des temps morts, derrière la feinte du ton détaché et à demi moqueur¹ de sa voix off, déploie sa plus vive attention à restituer le cérémonial de ce superbe jeu aux sollicitations d’apparence contradictoire, se déroulant dans une sorte de nonchalance sur le qui-vive par laquelle « il ne se passe apparemment rien, mais où il est toujours sur le point de se passer quelque chose », un sport « d’équipe qui se joue à un contre un » et où le lanceur incarne simultanément le musicien et le chef d’orchestre face à un « attaquant sur la défensive ».

Ainsi, tout du long, le film aborde de front des considérations sur l’être et le paraître (selon ses propres mots) et nous initie aux sophistications formelles et autres éléments d’abstraction théoriques du sport, pendant qu’à l’image des joueurs se grattent les parties et « spittent sur le gazon » en laissant chavirer lentement de gros et lourds crachats qui n’ont rien de l’insulte, du mépris ou de l’ingratitude, mais plutôt d’une ponctuation à la fois sacrale (comme dans une sorte de baptême inversé) et de trivialité somatique. Au baseball, même cette glaire qui s’échappe régulièrement de la bouche des joueurs dans un geste de contenance bovine à demi conscient a son rythme et sa fonction propres (différents de ceux – nerveux, saccadés, à bout de souffle et de salive – du hockey par exemple).

En amont comme en aval de cette liturgie liquide, à travers les poses moitié voyou moitié monastique des joueurs et des arbitres, il y a cette lente macération du temps qu’est le jeu proprement dit, fait de longues dilatations entrecoupées de ruptures soudaines, de recommencements, de récapitulations, de temps suspendus et retrouvés. Quelque part au-dessus du terrain, le chaos organisé est pris en note par le « marqueur », c’est-à-dire un statisticien, un scribe isolé sur sa passerelle satellitaire et qui archive méticuleusement, dans leur expression mathématique, le récit et la poésie de chaque match. Le tout formant à chaque fois une sorte de microcosme collectif en apesanteur dans l’univers, à la lisière de la possibilité abyssale d’une « partie sans fin » (notamment les « fausses balles », qui suspendent l’élimination du lanceur comme du frappeur, et qui pourraient, en principe, faire durer le jeu éternellement « si chacun tenait son bout »…) et dont l’absurdité de la condition est sempiternellement mise en scène, rejouée à travers l’application scrupuleuse de ses préceptes rituels.

Avec la placidité du ton de sa narration, ses superbes images 16 mm gorgées de l’atmosphère d’été et de l’humidité en suspension des pelouses fraîchement coupées dont il nous fait imaginer l’odeur entremêlée des effluves de poutines à 3,50$, le film s’inscrit dignement dans la lignée d’Un jeu si simple et des meilleurs documentaires sur le sport.


 

Simon Galiero
Réalisateur, auteur et éditeur
du journal documentaire Communs.site




1. Probablement à l’image de l’œuvre globale de David Nadeau-Bernatchez, avec ses registres multiples, ses double-fonds et ses ressorts imprévus que les curieux auront intérêt à explorer quand on leur en offre de trop rares occasions.

 

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