Résumé
Avec NYC RGB, Viktoria Schmid nous offre une vision de New York encore jamais vue, rendue possible grâce à des procédés filmiques historiques. La pellicule, exposée trois fois avec différents filtres, mélange les couleurs, l’espace et le temps pour créer une perception qui n’est possible qu’au cinéma. Une démonstration du septième art comme révélateur de nouvelles dimensions de la réalité.
L'avis de Tënk
Une journée dans la vie de New York, vue d’un appartement au 20e étage d’un immeuble. La silhouette si légendaire des gratte-ciels, anciens et nouveaux. Le trafic en contrebas dans le quadrillé des rues. Les volutes de vapeur et de fumée s’échappant des toits. La forêt d’antennes, de châteaux d’eau et de cheminées si caractéristiques du profil new-yorkais. Le ciel dégagé d’une saison probablement chaude. Tous ces éléments si connus des cinéphiles partout dans le monde sont ici revisités, pour ne pas dire réinventés dans un bref collage visuel sans paroles grâce à des manipulations techniques et des effets optiques tout simples qui permettent une relecture à la fois contemporaine et nostalgique de la Grosse Pomme.
Plongeant la ville dans une sorte de vision en Ektachrome, la cinéaste Viktoria Schmid enchaîne les plans fixes superposés de diverses perspectives des immeubles et du logement d’où ils sont filmés, chacun d’eux tourné à travers un filtre différent : rouge, vert et bleu — les « R » (red), « G » (green) et « B » (blue) du titre, lesquels réfèrent à un système de traitement optique qui permet de construire toutes les couleurs à partir de la combinaison de ces trois couleurs. Travaillant de concert, ce traitement, le montage et la bande sonore de sons urbains diégétiques ordinaires créent une impression inusitée de la ville, qui oscille entre le film d’archives (ce que NYC RGB n’est pourtant pas du tout) et la carte postale ultra moderne. Les contours des objets statiques semblent perdre leur définition tandis que les objets en mouvement s’animent en rouge, en vert et en bleu, se fondant les uns dans les autres en raison de la surimposition des images, introduisant un flou qui produit un effet fantomatique. L’air semble alors vibrer, comme si la ville était une sorte de mirage, comme lorsqu’on regarde au loin dans la touffeur de l’été. Le procédé donne une palpitation à la ville, créant l’impression que celle-ci pourrait disparaître graduellement dans une étrange désintégration miroitante. Comme si le New York d’hier et le New York d’aujourd’hui entraient en collision.
Claire Valade
Critique et programmatrice