Résumé
En écho à la voix de sa propre mère qui lui raconte ses relations avec sa mère et sa grand-mère, la cinéaste Chantal Akerman rend visite à trois femmes âgées d’origine juive et leur demande de parler de leurs aïeul·e·s. Assises dans leurs salons et filmées en plans fixes, ces grand-mères racontent leurs souvenirs, la vie des communautés juives avant la guerre, puis l’Holocauste, et les efforts pour survivre à l’horreur. Tout un monde disparu dans les camps de concentration renaît au fil de leurs paroles.
L'avis de Tënk
Sur les grands-mères. Je n’ai plus de grand-mère. Ma mère en voix off parle de sa grand-mère.¹
C’est par Dis-moi que la désormais mythique cinéaste belge Chantal Akerman répond à une commande de la télévision française dans le cadre d’une télésérie sur les grands-mères. Avec une mise en scène dépouillée, presque effacée et une représentation du soi d’une grande discrétion, la réalisatrice vient tisser son film autour de la figure de la grand-mère maternelle, figure incessamment rappelée et douloureusement absente. En voix off, la mère d’Akerman se souvient de sa propre mère, disparue à Auschwitz, et de sa grand-mère qui l’a recueillie après la dévastation de la déportation. En temps réel, Akerman rencontre trois femmes âgées, toutes d’origine juive, toutes survivantes de la désolation de la Seconde Guerre mondiale, et leur demande de parler de leurs aïeules. Plusieurs générations de femmes effacées par les camps viennent renaître à travers la parole, prennent vie par l’image. Si le gouffre de la souffrance est bien réel et si la distance de l’horreur ne peut jamais être traversée, elle cesse, pendant un instant, d’être insaisissable et devient magnifiquement tangible, le temps d’un film.
1. Akerman sur son film Dis-moi, propos recueillis par Nicole Brenez et relus par Chantal Akerman, Paris, 15 juillet – 6 août 2011.
Charlotte Lehoux
Programmatrice