Résumé
Ce matin-là, les habitant·e·s d’une ville découvrent que des plantes, des fleurs et des arbres inconnus ont soudainement fait irruption dans les rues et sur les places. Peu à peu, des événements étranges et mystérieux ont lieu alors que Camelia et Nahla enquêtent sur les origines de ces curieuses et nouvelles créatures.
L'avis de Tënk
Il y a de ces films qui semblent avoir été conçus spécialement pour vous. Ou plutôt, qui s’inscrivent dans une constellation où se rejoignent, s’alignent ou s’enchevêtrent les sensibilités. Cela peut survenir par des similarités parfois très fortes, à la fois troublantes et réjouissantes. Tel fut mon sentiment lorsque je découvris The Secret Garden.
Voyons voir… Comme l’explique Nour Ouayda dans un entretien réalisé pour la revue de cinéma Débordements, son film s’est d’abord élaboré à partir d’un regard lent et attentif envers une chose. Plus on regarde cette chose, « plus elle commence à devenir bizarre, c’est le cas avec les plantes dès lors qu’on se concentre sur leurs détails. Tout ça se prêtait à ces jeux d’histoires étranges et mystérieuses. »
Ce fut dans un élan similaire que j’ai commencé à photographier les plantes du nouveau quartier dans lequel j’emménageai l’été dernier. Ses plantes grimpantes. L’attention envers ce type particulier de plantes me permettait à la fois de combler le vide du boisé chéri de mon ancien quartier et de me laisser envahir par tout ce que ce nouvel environnement pouvait me procurer d’étrange et de mystérieux. À travers l’urbanité prédominante de ces nouvelles rues et ruelles, un besoin d’envahissement.
En regard de cette collecte photographique, je me plus, petit à petit, à imaginer la meilleure manière possible d’actualiser un récit d’envahissement, celui d’Invasion of the Body Snatchers. Fidèle à un paradigme épidémiologique, il semblait aussi être en phase avec notre ère de la fatigue (voir Société de la fatigue, 2014, Byung-Chul Han). Quelles ne furent pas ma surprise et ma joie de retrouver une référence directe à ce film culte dans The Secret Garden, les personnages imaginaires des deux amies reprenant justement un dialogue sur la lutte contre le sommeil. Car c’est là, dans cet assoupissement, que les Body Snatchers remplacent les corps des victimes par des copies nouvelles, transformées. Le potentiel transformateur du sommeil…
The Secret Garden joue donc à l’orée du documentaire grâce aux aléas de la fiction spéculative, autre terme utilisé pour parler de science-fiction. On en finit presque, de façon simpliste, avec cette petite équation : la science (des plantes et le documentaire) moins (tiret) la fiction — tout cela se tendant dans l’enchevêtrement végétal. Et de croître, renouvelée, cette magnifique phrase de l’écrivain (de science-fiction) Philip K. Dick : « La réalité, c’est ce qui refuse de disparaître lorsqu’on cesse d’y croire. »
Emmanuel Bernier
Responsable des acquisitions chez Tënk
et drôle d'oiseau