Résumé
Nous ne serons jamais faits du bois des victoires, mais de celui du combat. Nos défaites dresse un portrait de notre rapport à la politique, grâce à un jeu de réinterprétation par des lycéens d’extraits issus du cinéma post-68, associé à des interviews de ces jeunes acteurs. Comment appréhendent-ils le monde dans lequel ils grandissent et surtout, auraient-ils envie de le changer, de le détruire ou d’en construire un nouveau ?
L'avis de Tënk
Souvent, je me demande : qu’est devenue la rage d’antan ?
Les films militants des années 60 et 70 nous montrent des ouvrier.ière.s en révolte, des étudiant.e.s insurgé.e.s, des bourgeoises qui veulent tout plaquer, des fils de patron qui veulent renverser le capitalisme. Les gens ouvrent la bouche, et c’est étonnant. On y parle de rapports de force, de conditions sociales, de classes, d’émancipation, de désirs… On y cite des philosophes et des poètes, on y réfléchit le monde et sa violence, on n’a pas peur de nommer ses ennemi.e.s de classe, et de critiquer radicalement. Les critiques politiques ne sont pas ramenées au personnel, et le personnel est enfin perçu dans ses dimensions politiques. Les structures d’oppression sont mises à nu ; les intérêts sont démasqués et les classes populaires s’arrogent le droit de dénoncer.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? À quoi rêvent les jeunes, englué.e.s dans des désirs individuels inassouvissables, renvoyé.e.s sans cesse à un présent ahistorique, un horizon de fenêtre internet actualisée à l’infini… Le film de Jean-Gabriel Périot permet de prendre le pouls de ce monde étrange, dépolitisé, neutralisé, désinvesti de toute prise critique. Mais le portrait qu’il nous offre est heureusement plus complexe que démoralisant, et la dernière partie nous oblige à une prise de conscience nécessaire. C’est avec ce monde-ci que nous pourrons organiser la rage de demain, et si les mots ne sont plus les mêmes, le sentiment demeure.
Naomie Décarie-Daigneault
Directrice artistique de Tënk