Synopsis
À la fin de la Grande Noirceur au Québec, quatre ados d’un village des Laurentides partent en exploration dans les bois avec le camion de l’oncle de deux d’entre eux.
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Les désœuvrés est une œuvre d’exception à de nombreux égards. Premier long métrage de fiction d’auteur au Québec, réalisé de façon totalement indépendante et avec des moyens de fortune, il est à la fois traversé par un élan documentaire et un grand désir d’authenticité. Ainsi, la très longue introduction de plus de 30 minutes qui précède « l’histoire » centrale – si tant est que le désœuvrement d’une bande de « heunes » puisse en constituer une – s’avère un réel portrait documentaire du village de Pine Hill et de l’ouest des Laurentides, que Bail connaissait comme le fond de sa poche pour y avoir passé tous ses étés depuis sa prime enfance. S’inspirant directement (séquence de la descente de rivière) ou indirectement de l’approche de Robert Flaherty, en particulier celle de Louisiana Story, en cherchant à s’éloigner de celle de Rouquier (Farrebique, qu’il trouvait trop artificiel), Bail désirait, en outre, mettre en images la fin d’une époque, celle de la Grande Noirceur et de la mainmise du clergé qu’il exécrait du plus profond de son être. Ainsi, malgré son air faussement anodin, Les désœuvrés constitue un geste politique subtil.
Son approche naturaliste, qui met à l’écran des comédiens non professionnels parlant la langue québécoise de tous les jours (près d’une décennie avant Les Belles-sœurs de Tremblay), se démarque radicalement de toute la production cinématographique de l’époque.
L’inventivité de Bail, tant au plan technique (à une époque où le son n’est pas encore synchrone) que créatif (montage, mise en scène, prises de vue), contribue à la singularité de l’œuvre. Le cinéaste, qui était non-conformiste, marginal et insoumis, a réalisé le film entièrement seul, allant jusqu’à développer la pellicule lui-même.
Enfin, il est important de souligner que Bail était à tel point insatisfait de la première version du film (1959) qu’il refusa longtemps de le diffuser en public. Près de 50 ans plus tard, usant à nouveau de son ingéniosité (quelques nouveaux tournages, plusieurs repiquages d’extraits de ses autres films, beaucoup d’effets optiques, etc.), il consacra la fin de sa vie à conformer le film à la vision originale qu’il en avait. Quelques mois plus tard, il mourut heureux.
Richard Brouillette
Filmmaker, producer, chicken farmer, and accountant